Ce nouveau voyage au Japon, le sixième au total, s’est vraiment fait attendre ! La Covid-19 nous avait joué des tours en 2020 et 2021 alors que nous avions prévu d’aller au Japon, et l’arrivée de bébé a fait que nous n’avons pas pu nous y rendre non plus en 2022. Quatre ans après le dernier voyage, nous voila enfin de retour dans ce pays qui me passionne toujours autant !
Bien évidemment, un voyage à trois avec le fameux bébé n’a absolument rien à voir avec les précédents séjours, d’autant plus que cette fois-ci, nous venons essentiellement pour le présenter à sa famille japonaise. C’est lui qui est au centre des attentions, il faut s’en occuper constamment, tout prévoir pour la moindre sortie, passer du temps avec tout le monde… Bref, pas évident de voyager avec un petit bout de tout juste 1 an et 4 mois !
Mais j’ai tout de même eu la possibilité de faire un petit tour en solo pendant cinq jours, que j’ai rempli au maximum de visites dans une région que je ne connaissais pas encore mais qui m’attirait beaucoup : San’in, et principalement la préfecture de Shimane. Au programme : Matsue, Izumo, Hagi, et Tsuwano.

Malheureusement, je commence ce voyage malade, et j’annule donc les deux sorties un peu éloignées de la ville de Matsue pour éviter d’amplifier la fatigue et les différents symptômes peu agréables d’une bonne vieille grippe ! Le musée d’art Adachi et Tamatsukuri onsen attendront un autre voyage, c’est dommage, mais il faut savoir s’adapter aux imprévus. Je devais également rencontrer Isabelle du super compte Instagram « discover.matsue », qui m’avait bien aidé pour préparer les visites, mais elle était également malade et il était plus sage de se reposer, pour elle comme pour moi.
Ce n’est pas grave, Matsue semble regorger d’endroits à visiter à peu de distance à pied les uns des autres, et la météo est plus clémente que prévue. Je me lance alors, tout en me disant que si ça ne va pas, je rentre à l’hôtel me reposer. Direction le Musée d’histoire de Matsue en bordure des douves du château, en passant par le Mefu Jinja.

Sous le torii à l’entrée du Mefu Jinja
Le tour du bâtiment principal est très agréable
Beaucoup de parties un peu abîmées comme
cette lanterne, on ressent l’œuvre du temps

Le Mefu Jinja n’était pas dans ma liste de visites, mais en suivant le plan de la ville, je le trouvais sur mon chemin vers le musée. Intrigué par la barrière aux oiseaux à son entrée sud, je rentrais dans le sanctuaire plein de curiosité, et me retrouvais seul à contempler ces très beaux bâtiments en bois. De nombreuses petites parties sont abîmées voire cassées, comme la photo de la lanterne le montre, mais le ressenti n’est pas vraiment négatif car c’est la nature qui reprend un peu le dessus sur les créations de l’homme. On sent ici la patine du temps sur les différentes parties du sanctuaire, les mousses recouvrent les pierres qui s’effritent, les arbres coupés regorgent de repousses,… Bref, une atmosphère étrange en pleine ville mais agréable et hors du temps, un peu à l’image de certaines maisons de la ville que je vous montrerai dans le prochain article.

Pont situé en face de l’entrée du musée et le reliant au parc du château
Le musée est le grand bâtiment à gauche
Entrée du musée d’histoire de Matsue, avec les kadomatsu de sortie !

Le musée d’histoire de la ville de Matsue est un bâtiment très récent construit comme une ancienne résidence de haut fonctionnaire, et je dois dire que c’est très réussi ! Impossible d’imaginer qu’il s’agit d’une construction contemporaine si l’on n’est pas au courant ! On enlève ses chaussures pour rentrer dans le bâtiment dont l’espace intérieur est en tatami, une des choses que j’apprécie particulièrement au Japon. Il y a un salon de thé qui propose de magnifiques wagashi et du thé matcha, avec une très belle vue sur le jardin japonais. C’est la première visite dans la région, mais je remarque (et ce sera une constante) que les visiteurs sont très bien accueillis, et que le personnel est extrêmement gentil et attentionné, d’autant plus que je parle un peu japonais. Et il y a à Matsue énormément de documents disponibles en français, un vrai luxe !

Exemples des repas par saison (hiver à gauche et automne à droite)
(été à gauche et printemps à droite)
Deux sortes de zôni pour le nouvel an
Cinq wagashi typiques et représentatifs de Matsue

Ces quelques photos ne sont qu’un petit exemple de ce que l’on peut trouver dans ce beau musée, qui se concentre sur l’évolution de cette ville-château à partir de sa construction. C’est d’ailleurs l’histoire de cette construction que j’ai trouvée fascinante et que je vais vous rapporter ici.
Après avoir grandement contribué à la victoire de Tokugawa Ieyasu (le futur shôgun qui unifia le Japon à partir de 1603), Horio Yoshiharu et son fils Horio Tadauji reçurent les terres d’Izumo et Oki. L’ancien château de Gassan Toda ne leur paraissant pas adapté à cette nouvelle ère, ils cherchèrent un endroit pour en construire un nouveau. Leurs avis divergeaient, mais Tadauji mourut très jeune et son père décida de suivre l’avis de son fils et de le construire sur le Mont Kameda.
Pour le réaliser, ils nivelèrent la colline voisine afin que le château soit vraiment au-dessus de tout, et utilisèrent la terre pour combler la zone marécageuse voisine (après avoir planté des fougères pour renforcer le sol) ! Les pierres ont pour certaines été transportées par bateau du lac Nakaumi voisin. La ville a été développée en trois zones autour du château (samouraïs, habitants, temples), et regorge de particularités pour prévenir et ralentir d’éventuelles attaques (fin de rue en T, ponts en goulot d’étranglement, rues indirectes…). Imaginez l’ampleur de ces travaux pour créer à partir de très peu une grande ville autour de son château fortifié, et l’intelligence de ces hommes pour la rendre aussi belle et prête à toute éventualité !
Suite à cette visite passionnante, je poursuis ma route autour des douves du château pour me rendre dans la rue Shiomi Nawate.

Superbe rue traditionnelle bordée d’un côté des murets de splendides maisons anciennes et de l’autre par les douves du château, la rue Shiomi Nawate (Shiomi est le nom d’un samouraï ayant vécu ici et Nawate signifie « longue rue droite », ressemblant à une corde) est très agréable et propose de superbes visites comme l’ancienne résidence de samouraï Bukeyashiki ou encore la maison et le musée Lafcadio Hearn. L’inconvénient de la toute fin d’année est que certains commerces sont fermés et il a fallu que je regagne le centre-ville pour déjeuner, mais il y a en temps normal deux bons restaurants de soba sur place, une des spécialités de la région.
Après le repas, j’ai donc repris les visites en commençant par Bukeyashiki, une résidence de samouraï qui a été récemment rénovée pour lui rendre son apparence d’origine. Les matériaux utilisés pour la façade et les chambres des invités ne sont pas les mêmes que pour l’arrière de la maison et les chambres privées, montrant ainsi la différence entre la vie publique et la vie privée du samouraï, et le jardin est plat et sans décoration, pour rappeler la simplicité et la force d’âme des hommes de ce statut. En voici quelques photos :

Vue d’ensemble de la résidence prise à partir du point haut du jardin arrière
Résidence (Nagaya-mon) des gardiens de la porte et des serviteurs de samouraï de bas rang
Entrée privée
Salle où le maître des lieux s’entretenait avec les invités
Arrière de la maison avec les chambres privées
Espace sanitaire, avec la cuisine, le bain, les toilettes

Sorti de cette très belle visite, me voici parti pour une petite grimpette vers le Pavillon de thé Meimei-an, une pause raffinée plus qu’attendue tellement on m’en avait dit du bien pendant la planification du voyage. Quelques minutes plus tard, j’arrive sur une petite place privée à l’aspect de jardin japonais, avec vue sur le haut du donjon du château. L’ambiance du lieu et la vue me captivent, d’autant plus que le soleil décide de se montrer un petit peu à travers les nuages et donne au paysage que je contemple un aspect magique renforcé par la nature verdoyante et la légère brume qui voile le donjon ! Après cette pause contemplative, je tourne le dos au paysage et m’avance pour découvrir le Pavillon de thé.

La petite place avant d’entrer au Pavillon de thé
Entrée du jardin
Jardin et porte d’accès au pavillon de thé
Grande salle où on peut boire un thé matcha et manger des wagashi
Le superbe pavillon de thé
Wakakusa (représente le vert des bourgeons de théiers) et
Natane no sato (symbolise le vol de papillons blancs sur un champ de colza)

Ce bâtiment a été fondé par Matsudaira Harusato, dit Fumai, le septième seigneur de la famille Matsudaira. Devenu daimyo très jeune, il relance totalement l’économie de la région alors en faillite en développant les productions locales et en luttant contre les inondations récurrentes. Élève de grands maîtres en cérémonie du thé et en bouddhisme zen, c’est lui qui fit de Matsue une des trois grandes villes du thé du Japon.
Le pavillon de thé Meimei-an est un endroit vraiment calme, en dehors de l’agitation de la ville grâce à son emplacement sur les hauteurs de la colline. Le jardin simple et agréable, les quelques arbres et bambous derrière, la grande baie vitrée pour profiter de la vue tout en se régalant d’un matcha et d’une douceur locale, la rusticité du toit de chaume épais pour affronter les rudes hivers de la région, tout est réuni pour profiter de ce moment hors du temps en laissant derrière soi la précipitation et les obligations du quotidien.

En descendant du Pavillon Meimei-an, un cadre magnifique pour se rendre à la maison de Lafcadio Hearn

En avril 1890, Patrick Lafcadio Hearn arrive au Japon. Nommé professeur d’anglais au collège départemental de Matsue, il y passa seulement un an et deux mois, mais marqua incontestablement la ville de son empreinte. Arrivé seul, il découvre les lieux, les légendes, les histoires de la région et les présente dans de nombreux ouvrages reconnus dans le monde entier. Son ouverture lui permit de rentrer profondément dans le Japon de l’ère Meiji, d’en comprendre l’essence, et de la transmettre dans ses écrits.
Dès mes premiers pas à Matsue, je me suis rendu compte à quel point Lafcadio Hearn, connu au Japon sous son nom d’adoption Koizumi Yakumo, était important. J’avais bien sûr choisi de visiter son musée et sa maison en me basant sur les guides et conseils, mais je m’étais efforcé de ne pas lire les explications pour tout découvrir sur place et garder cet émerveillement de la découverte. J’ai été extrêmement séduit par sa vie, très bien décrite au musée dans la première salle, puis par son regard sur le Japon. Il est possible de visiter Matsue en suivant les pas de Lafcadio Hearn, et je trouve cela passionnant et très « romantique ». On m’a même fourni un guide qui présente les lieux visités et préférés de l’écrivain à et autour de Matsue, qui nous permet de marcher sur ses traces et de découvrir la ville à travers son regard.
Sa maison, voisine du musée, est également très belle, je conseille la visite du musée puis de la maison pour profiter au maximum de cette expérience.

Entrée de la maison
La pièce principale donnant sur le jardin, un gros coup de cœur !
Son bureau fait sur mesure (très haut) car il avait perdu un œil jeune

Première journée très riche, je me suis régalé au cours de ces visites dans une ville accueillante et chaleureuse, un brin rétro par endroits comme vous pourrez le voir dans le prochain article, mais pleine de belles surprises de qualité. Il me tarde demain matin pour découvrir un temple cher à Lafcadio Hearn, puis le château de Matsue, avant d’aller profiter du coucher de soleil sur le lac Shinji ! Je vous laisse sur ces dernières photos d’un café très agréable au bord de la rivière où j’ai dégusté quelques excellents sandwichs avant de rentrer à l’hôtel.